Est-ce vraiment payant de travailler?

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Est-ce vraiment payant de travailler?

Francis Vailles
03 février 2005 - 07h38Depuis le 1er janvier, le gouvernement offre une prime aux bénéficiaires de l'aide sociale pour les encourager à trouver un emploi. Or, bien souvent, ce programme a plutôt l'effet inverse: il laisse moins d'argent dans les poches de ceux qui retournent travailler, au bout du compte.


Telle est l'étonnante conclusion d'une étude de Luc Godbout et Matthieu Arseneau, deux chercheurs de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Essentiellement, les deux fiscalistes ont comparé l'effet net de la nouvelle prime au travail. Cette mesure a notamment remplacé le programme d'Aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT), qui poursuivait des objectifs similaires.

« La prime au travail ne satisfait pas les objectifs fixés. Par exemple, les ménages à très faibles revenus avec enfants sont perdants par rapport au programme APPORT », a dit le professeur Luc Godbout, au cours d'une entretien téléphonique avec La Presse Affaires.

Selon l'étude, un couple avec enfants dont l'un des deux membres quitte l'aide sociale pour un travail au salaire minimum perdra entre 1060 et 1255 $ en 2005. Autre exemple: une femme avec un enfant qui déniche un emploi à temps partiel perdra 688 $ en 2005 avec la prime, par rapport à ce qu'elle obtenait avec le programme APPORT, l'an dernier.

La prime au travail a été instaurée dans le dernier budget du ministre des Finances, Yves Séguin.

« Trop de Québécoises et de Québécois ne participent pas au marché du travail, disait alors le ministre. C'est notre devoir de les encourager à le faire. Pour y arriver, le passage de l'aide sociale au marché du travail doit être facilité et plus avantageux financièrement. »

Pour une famille monoparentale, la prime atteint 30 % des revenus annuels de travail pour la portion des revenus qui excèdent 2400 $. À partir de 9700 $ de revenus, la prime diminue progressivement et disparaît lorsque les revenus de travail atteignent 31 600 $. Pour un célibataire, la prime est de 7 % et les limites inférieures et supérieures de revenus sont de 2400 $ et 14 810 $.

Le Ministère estime que la nouvelle mesure coûtera 269 millions de dollars en 2005. Les ménages sans enfants seront les plus nombreux à en bénéficier (335 000 ménages sur 536 000 bénéficiaires). Or, les célibataires ne sont guère plus avantagés par la mesure. Avec la prime, par exemple, un célibataire augmentera son salaire de 7 à 36 cents l'heure en quittant l'aide sociale, selon qu'il obtient un emploi à temps plein ou à temps partiel. De plus, il lui faudra parfois attendre plus d'un an pour toucher la prime. Par exemple, un bénéficiaire qui trouve du travail en janvier 2005 ne touchera sa prime qu'au printemps 2006, au moment de la période de déclaration des revenus.

« Pour les ménages sans enfants, l'aide est tellement faible et le délai pour l'obtenir tellement long qu'on peut douter de l'efficacité de la mesure pour encourager le retour au travail », a dit Luc Godbout.

Autre particularité: la prime pour aider le retour au travail des assistés sociaux est aussi versée... aux étudiants qui se trouvent un job d'été!

La nouvelle mesure a toutefois certains avantages. D'abord, elle est versée automatiquement par le ministère du Revenu, alors que les bénéficiaires devaient faire une demande au ministère de l'Emploi pour le programme APPORT. Ensuite, certains y gagnent, en particulier ceux qui n'avaient pas droit à APPORT, soit les familles biparentales dont les deux membres travaillent et dont les revenus varient entre 21 800 et 42 800 $.

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