Cela faisait près de 20 minutes que je regarde le verre rempli d’une substance inconnue et décoré d’un parapluie en papier, déposé devant moi. Je ne l’ai pas commandé.
J’ai bu mes 4 mojitos. Cela me suffisait amplement . Cela anesthésiait juste assez ma migraine pour me permettre de me concentrer sur autre chose que ce martèlement continuel. Je suis assis au comptoir du bar dans le coin le plus sombre. Cela me repose les yeux et la téte.
J’inspire lentement.
Le bar est plein. Une trentaine de personnes s’agitent et se tortillent. On dirait qu’une fête quelconque est organisée. Les rires et les cris sont à moitié couverts par la musique insupportable pseudo branchée.
Je soulève ma main qui était déposé sur le comptoir en faux marbre et la déplie.
La mouche qui y était enfermée depuis 16 000 secondes tombe comme ce qu’elle est. : une mouche morte.
Je la laisse en évidence., proche d’un petit bol de cacahuètes, symbole de nôtres société actuelle : tout le monde et n’importe qui met ses mains dedans, qu’il ait faim ou pas, qu’elles soient lavées ou pas et finalement on s’aperçoit que c’est trop sec, trop salé et pas bon mais c’est trop tard : le pot est vide et on crèvera tous.
Le barman me regarde du coin de l’œil tout en astiquant ses verres à bière. Je plisse les yeux pour atténuer les lueurs des néons qui pétillent ici et là tandis que la musique Disco envahit l’atmosphère et atteint pratiquement ma zone d’ombre et de calme.
Je suis seul au bar. Je regarde le verre suspect muni de sa stupide ombrelle. Je saisis son pied et hume . « De l’ananas …mmhhh idéal pour camoufler n’importe quel alcool ou autre produit pharmaceutique … » La troupe de joyeux lurons s’agitent derrière moi. La musique s’arrête. Des rires, des cris fusent et quelqu’un semble essayer de couvrir ce débordement intempestif de bonne humeur à forte connotation éthylique !
« Silence … Silence … Je viens d’avoir un coup de fil de Nouredine et il devrait arriver d’ici 10 à 15 minutes ! Il n’est toujours pas au courant alors comme prévu, on se prépare à l’accueillir avec les confettis et tout ! Tout le monde se met en place et se cache dans la salle arrière. Le Barman va nous prévenir … »
Et, merde, il ne manquaiit plus que cela . J’avais besoin d’être tranquille . Le barman me regarde à nouveau et finalement m’adressse la parole :
- Vous n’allez pas les rejoindre ?
- Non
- … et vous n’avez pas porter le toast avec eux ?
- Non
- …euh … vous ne les connaissez pas ?
- Exact. Vous êtes perspicace pour un barman..
- C’est que, en fait … je pensais que vous faisiez parti du groupe, c’est pour cela que je vous ai laissé rentrer. C’est une soirée privée et c’est pour cela que je vous ai posé ce cocktail devant vous … mais après comme vous ne vous mélangiez pas … je pensais que … ou que vous attendiez le coup de fil du gars qui fête son enterrement de vie de garçon …
- Je dois voir quelqu’un en effet pour un peu le même genre d’événement … Si le verre est offert, je vais le boire alors ! Je ne veux pas vous froisser.
- …euh oui , oui, vous pouvez … pas de problème, c’est mon erreur … c’est du whisky, grand marnier et triple sec avec du jus d’ananas …
- ah …. Bon …allez, on se risque ! Il faut vivre dangereusement : Nasdrovia taves baxtalo !
- Pardon ?
- Cela veut dire : À la vie …et à la chance mais cela dépend pour qui …
- Ah ? c’est quoi comme langue ?
- C’est un mélange en fait …
Je lève la main gauche en redressant mon index , ce qui signifie en général en langage des signes non officiel : attend un moment, je vais t’expliquer quelque chose.
Je repose délicatement le verre et attrape le poignet droit du barman pour l’attirer vers le dessus du bar et donc par extension, vers moi.
Surpris, il ne réagit même pas et j’ai ainsi le temps de coller mon torse vers son épaule droite tout en entourant sa tête avec mon bras gauche.
Ma main droite reste sur son poignet droit tandis que ma main gauche s’est posé sur le côté de sa mâchoire inférieur gauche.
Un bref coup de poignet gauche vers le haut suffit pour lui enlever toute faculté d’essuyer des verres à jamais. Le bruit de ses cervicales m’a confirmé cet état des choses.
Il s’affaisse derrière le bar en glissant sur le marbre froid du comptoir mais je le tiens toujours par le bras droit afin d’amortir le bruit.
La chance n’était pas au rendez-vous pour lui mais il était devenu un témoin un peu trop bavard..
Je récupère mon dernier verre et passe derrière le comptoir afin de le laver, l’essuyer et le replacer sur l’étagère.. Je conserve le torchon avec moi et le pose sur mon épaule.
J’ai juste le temps d’essuyer le côté du bar ou je me trouvais qu’un homme rentre dans le bar. Il jette un œil tout autour et le spectacle inhabituel du bar vide l’amuse :
- Eh bien, pas très malin comme stratégie les gars !C’est écrit en gros soirée privée sur la porte ! Je présume que vous avez décider de fêter mon enterrement de vie de garçon ici ! Pour L’effet de surprise vous repasserez ! Vous êtes dans le coup vous aussi ?
- En quelque sorte, dis-je – justement, on vous attendait tous et j’ai déjà porté un toast. !
Je m’approche de lui alors qu’il me sourit béatement.
Ses zygomatiques se figent alors que mon poing préalablement enveloppé dans le torchon vient se ficher dans sa trachée.
Il s’écroule sur lui-même tel un pantin des Sentinelles de l’Air …
Sans le toucher, je le contourne et prend la porte de sortie. Cela fait déjà trop longtemps que je suis ici.
Mon travail est fini.
Et mon mal de tête s’est estompé …
