Lauran Neergaard Agence France-Presse Washington
" Comprendre le fonctionnement du cerveau dans ses moindres replis, jusqu'aux origines de la créativité: c'est le défi qu'ont relevé des scientifiques américains qui ont observé au scanner les cerveaux de musiciens de jazz au cours d'improvisations.
Il ne s'agissait pas là d'une simple curiosité pour fan de jazz, mais d'une expérimentation dans le domaine des neurosciences de la musique. Un champ en expansion depuis que les chercheurs ont compris combien la musique pouvait éclairer le fonctionnement du cerveau.
Notre façon de jouer et d'écouter de la musique ouvre la voie à la plupart de nos fonctions cognitives, de l'attention à l'émotion en passant par la mémoire.
Comment observe-t-on un cerveau en train de jouer du jazz? A l'intérieur d'une imagerie à résonance magnétique (IRM), un scanner mesure les variations de la quantité d'oxygène qu'utilisent les différentes régions cérébrales lorsqu'elles réalisent différentes tâches.
Mais on ne peut jouer ni trompette ni saxo à l'intérieur de l'aimant géant qu'est l'IRM. Les Drs Charles Limb, ORL à l'université Johns Hopkins, et Allen Braun, des Instituts nationaux de santé, ont donc demandé à une entreprise de fabriquer un clavier en plastique, suffisamment petit pour être introduit dans la petite pièce de l'IRM, non métallique et par conséquent sans effet sur l'aimant.
L'activité cérébrale de six pianistes professionnels de jazz a pu être mesurée pendant qu'ils jouaient ou qu'ils improvisaient. Il ressort de ces travaux qu'improviser actionne le même circuit cérébral que celui mesuré par Braun durant les rêves. D'abord, l'inhibition disparaît. Une région du cerveau responsable de l'auto-contrôle, le cortex préfrontal dorsolatéral s'éteint.
Puis la libre expression le réveille. Une région plus petite, le cortex médian préfrontal, s'allume. Elle met en relation langage et histoires autobiographiques. Or improviser du jazz produit ce type de comportement individuel souvent décrits comme la narration de sa propre histoire musicale.
Plus étonnant encore, les musiciens montrent une connaissance sensorielle plus importante. Les régions impliquées dans le toucher, l'audition et la vue s'emballent pendant une improvisation, même si personne ne sent ou ne voit quelque chose, et que seuls existent les nouveaux sons créés.
Toutefois, cela ne correspond pas forcément au centre de la créativité. Les cerveaux des musiciens professionnels peuvent marcher différemment de ceux des pianistes amateurs ou des peintres ou encore des écrivains, ce que les Drs Limb et Braun espèrent bien tester prochainement.
«Nous sommes tous créatifs tous les jours. Nos cerveaux font-ils alors les mêmes choses»? se demande Braun, qui étudie pour les NIH la relation du langage et de la musique avec la surdité et d'autres troubles de la communication.
«L'improvisation transporte avec elle une sorte de magie. Les gens pensent que, quand on improvise, on a une sorte d'inspiration qui n'est pas mesurable», observe Robert Zatorre, de l'Institut neurologique de Montréal, pionnier en neurosciences de la musique et lui-même organiste classique.
Les neuroscientifiques parlent de plasticité cérébrale, c'est-à-dire de la capacité du système nerveux central à se réorganiser en fonction des expériences vécues et de son environnement. Comprendre comment ces circuits se modifient aide les chercheurs à mettre au point des traitements. Des études montent que les patients qui apprennent à reparler après un accident vasculaire cérébral font des progrès plus rapides s'ils chantent que s'ils parlent.
La grande leçon de cette étude n'est pas tant ce qu'elle apprend, mais plutôt le fait qu'elle ouvre de nouvelles voies de recherche sur le cerveau. La question est de «comprendre les règles par lesquelles le cerveau change d'organisation», résume Robert Zatorre. "
4 commentaires:
Hé ben... Je vais aller prendre un aspirine... je reviens de suite...
Cool, c'est super interessant en tous cas.
Putain....heureusement qu'il a du boulot !
Enregistrer un commentaire