jeudi, avril 17, 2008

Euzperiense - Prononciation d'expérience aux XVIe siècle -Job #1

Premier boulot avec une feuille de salaire officielle à l'appui (pour ce que cela m'a servi !)

C'était au début de Juin. Je devais avoir dans les seize ans. C'était comme une sorte de stage sinon je n'avais pas le droit de travailler ou quelquechose du genre. J'avais voulu arrêter l'école dite "classique" à 14 ans afin de suivre une formation professionnelle en boulangerie-pâtisserie ou autre car je m'ennuyais à l'école! Avant j'avais voulu être Luthier mais les formations se donnaient trop loin et il fallait faire de l'internat. Mes parents n'étaient pas contre, me semble-t-il ... mais je ne voulais pas les faire payer pour quelque chose dont je n'étais pas sûr d'atteindre. J'étais déjà têtu et rempli d'incertitudes quant à l'avenir.
Alors j'ai poursuivi mes études, ou plutôt accompagné mes études. J'avais rapidement compris (malgré moi ? ) que l'école, ce n'est pas ce que tu penses qui est important mais d'être capable de reproduire sur une feuille ou à l'oral, ce que le professeur t'a montré avant. Il faut régurgiter tout ce que l'on t'a introduit precédemment. Il faut reconnaître que parfois c'était intéressant ( les cours hein ? pas le fait d'expulser des matières semi-digérées via l'orifice buccal ) mais très souvent cela ne l'était que peu ou alors j'étais déjà difficile.

Enfin bref, ce n'était pas le sujet ! J'avais donc décidé de faire un boulot l'été afin de voir comment c'était la vie active dans le vrai monde des Grands !
Et hop ! À 15 minutes à pied de chez moi, je trouve un boulot de "Préposé à la caisse dans une station-service" de 18 heures à 23 heures la semaine et 16 à 23 le samedi ! Bon l'horaire me paraissait relativement peu intéressant mais je ne voulais pas commencer à cracher sur le réglement interne dès le départ !
Le salaire était le plus bas mais,encore une fois, il faut bien commencer !

Bref, le travail était relativement peu intéressant mais je pouvais lire car, bien évidemment, les gens arrivaient par grappe puis parfois, je ne voyais plus personne durant deux ou trois heures !

Comme la station se trouvait face à une Nationale, beaucoup de personnes n'étaient pas de la région et je servais ainsi de guide touristique bénévole. J'étais comme le dernier pilier informatif de la Nationale dans ma petite guérite de daube ou je n'avais même pas le téléphone. Juste des vitres en plexi-glass avec mon interphone et la clef pour fermer les pompes lors de mon départ.

Au bout de deux semaines d'ennui, de 4 bouquins finis et de 8 supports logistiques touristiques, une perturbation vint s'immiscer dans mes vapeurs de combustible qui alimente un moteur thermique.

Samedi, 19:04 :
Un gars à pieds, se présente avec bonnet et veste remontée sur le visage. Je trouve cela étrange vu la température extérieure ( genre 22 degrés celsius) et puis ce n'était pas encore la mode de se promener avec un bonnet en laine en été !

Il sort un pied de biche et me lançe : " Donne moi tout l'argent ! Dépêche et tout ira bien ! Sinon j'vais être obligé de taper !"
J'en reviens pas ! C'est pas possible ! Faut que ça m'arrive à moi ce truc-là !!!
Sur le coup, je ne panique même pas ! Je n'y pense même pas !En fait, cela semble tellement irréel que j'ai l'impression d'assister à la scène sans vraiment y participer.
" Désolé M'sieur ! J'ai pas grand chose ! 400 ou 500 francs et si je vous les donne, je risque de perdre mon boulot !"
" Donne-moi ça Petit ! Si je me fâche ça va te couter plus cher que ton boulot !"
Il semble étrangement calme et subitement donne un grand coup de pied de biche dans le plexiglass !
Ça résonne pas mal dans la guérite ! La surface transparente semble abîmée mais elle a résistée.
Je regarde autour et bien évidemment, personne à l'horizon pour faire fuir le gars ou pour appeller la police! Je pense soudain que forcer la petite porte métallique de daube avec son pied de biche serait cent fois plus efficace que de taper sur le plexiglass !
Mais pourquoi j'ai pensé à ça ! J'espère qu'il ne lit pas dans les pensées ...

Il redonne un coup dans la vitre plastifiée et ça fait vraiment un bruit dingue de mon bord ! Le plexiglass est entaillé maintenant !

Bon, pas la peine d'insiter ... je sors le plus de billets que je peux et les glisse sous l'hygiaphone.
J'avais déjà fait une enveloppe avec près de 1000 francs qui était parti via pneumatique ( et oui ça existait encore à l'époque et c'était pourtant dans les années 80 !) car c'était la règle qui m'avait été répété environ 200 fois !

Il devait avoir seulement 600 ou 700 francs ... Le gars a pris l'argent sans dire merci. Il s'est sauvé en perdant quelques billets. Au bout de deux minutes je suis sorti pour ramasser les billets : il devait avoir 150 francs.
C'est là tout seul, debout au milieu de la station-service ( sans service d'ailleurs), humant les hydro-carbures que je me suis dit que ça aurait pu mal finir ! Et c'est là que j'ai commencé à avoir peur ! Pas qu'il revienne, mais plutôt de la réaction du boss ( réflexe judéo-chrétien exacerbé ?)
Puis inquiet de ma non-réaction d'avant ...
Puis soucieux de ma déclaration à la Police !

Fallait que je leur téléphone d'ailleurs !!! Heureusement, il y avait une cabine téléphonique juste à côté ! Il n'y avait pas de cellulaires comme aujourd'hui !
J'ai appelé mon boss qui gueulait comme un putois et s'inquiétait de l'état de la guérite puis je lui ai demandé de téléphoner à la Police !
J'ai fait ma déclaration dans le fourgon 45 minutes plus tard ... J'ai même remis les 150 francs trouvés ! Mon boss ne s'est même pas inquiété d'un quelconque choc post-traumatique ou autre !

Ma mère ne voulait pas que j'y retourne. Mon père semblait le penser aussi mais essayait de rassurer ma mère en lui expliquant que les chances que cela se reproduise était pas mal plus basses étant donné que cela venait d'arriver ...

J'y suis retourné malgré tout. J'ai fait mes 5 semaines avec une batte de base-ball fournie par le boss et de grosses affiches disant qu'il n'y avait pratiquement pas d'argent dans la caisse ...

J'ai cru revoir le gars-voleur la dernière semaine de travail. Il venait tranquillement mettre de l'essence dans une vieille 4L toute pourrie.

Je l'ai regardé de loin. Il m'a sourit et a payé en me laissant un pourboire de 10 francs ...
Je n'ai jamais su si c'était vraiment lui ...

C'est ainsi que je mis fin à ma carrière de Pompiste en devenir ...






2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup beaucoup ce que tu écris, bonne journée à toi...

El Ultimo Bastardo a dit…

Merci Bien Chère Allium Ascalonicum !
Bonne journée aussi ...